Chapitre 3
Nous étions face à face au centre d’une grande caverne. Le sol était inégal, un amoncellement de pierres et de terre. J’avais remis mes vêtements, à l’exception de mes gants, et je tenais mon pieu dans une main et mon poignard en forme de croix dans l’autre. Il avait encore ri lorsque je lui avais demandé de me laisser me rhabiller, et il m’avait répondu que mon jean était trop serré et qu’il me ferait perdre de la fluidité. Je lui rétorquai d’un ton acerbe que fluidité ou pas, il n’était pas question que je l’affronte en petite culotte.
D’autres ampoules éclairaient la pièce où nous nous trouvions. Comment s’était-il débrouillé pour amener l’électricité dans la grotte, ça, je n’en savais rien, mais c’était le cadet de mes soucis. Dans cet environnement souterrain, je n’avais pas la moindre idée de l’heure qu’il pouvait être. Peut-être était-ce déjà l’aube, ou bien faisait-il encore complètement nuit. Je me demandai brièvement si je reverrais jamais la lumière du jour.
Il n’avait pas changé de vêtements. Visiblement, la fluidité n’était pas un problème pour lui. Ses yeux brûlaient d’impatience tandis qu’il faisait craquer ses doigts et rouler sa tête sur ses épaules. Je n’étais pas tranquille, mes mains étaient moites. Les gants n’auraient peut-être pas été une si mauvaise idée, après tout.
— Très bien, Chaton. Comme je suis un gentleman, je vais te laisser tenter ta chance en premier. Allons-y.
Sans plus attendre, je le chargeai en courant le plus vite possible, mes deux armes pointées vers lui. Il tournoya en un demi-cercle pour m’éviter et émit un petit rire exaspérant.
— Tu fais ton jogging, mon chou ?
Je m’arrêtai et lui jetai un regard furieux par-dessus mon épaule. Par l’enfer, il était vraiment rapide. Je n’arrivais presque pas à distinguer ses mouvements. Rassemblant mon courage, je feintai un coup au-dessus de sa tête avec la main droite. Il leva un bras pour bloquer mon attaque et je frappai son estomac à toute volée de ma main gauche. Je parvins à entailler sa peau avant de recevoir en retour un coup de pied très douloureux dans le ventre. Pliée en deux, je le vis examiner ses vêtements avec une petite grimace.
— J’aimais bien cette chemise, et tu l’as déchirée.
Je recommençai à lui tourner autour en respirant lentement pour surmonter la douleur qui me déchirait le ventre. Plus rapide que l’éclair, il me fonça dessus et me frappa à la tête avec son poing. La violence du coup me fit voir des étoiles. Je me défendis sans réfléchir, lançant mes pieds, mes poings et mes armes sur tout ce qui se trouvait à ma portée. Les coups que je recevais en retour étaient aussi puissants que rapides. À bout de souffle, le regard trouble, je multipliais les ripostes en usant de toutes mes forces. Tout à coup, la pièce se mit à tourner et je me sentis propulsée en arrière, la peau déchirée par les rochers.
Il se tenait à trois mètres de l’endroit où je gisais. De toute évidence, je ne faisais pas le poids au corps à corps. J’avais l’impression d’être tombée d’une falaise, mais lui ne portait presque aucune marque du combat. Prise d’une inspiration soudaine, je lançai ma croix. Elle fendit l’air avec une vitesse incroyable et s’enfonça dans sa poitrine, mais trop haut, beaucoup trop haut.
— Bon sang, sale gamine, ça fait mal ! rugit-il d’un ton surpris en l’arrachant.
Le sang qui jaillissait de sa blessure s’arrêta brusquement de couler, comme s’il avait fermé un robinet. Contrairement à la croyance, le sang des vampires était vraiment rouge. J’étais consternée, je n’avais plus qu’une seule arme et l’attaque que je venais de lui porter ne l’avait même pas ralenti. Rassemblant mes forces, je sautai sur mes pieds et me remis à marcher à pas lourds.
— Ça te suffit ?
Il me fit face et inspira. Une fois. Surprise, je clignai des yeux. C’était la première fois que je voyais un vampire respirer. Moi, j’étais hors d’haleine et mon front dégoulinait de sueur.
— Pas encore.
Un nouveau mouvement flou, et il était sur moi. Je bloquai chacun de ses coups tout en essayant de l’atteindre, mais il était trop rapide. Ses poings me frappaient avec une force brutale. J’enfonçais désespérément mon pieu partout où je le pouvais, mais je manquais toujours son coeur. Après une dizaine de minutes qui me parurent une éternité, je tombai sur le sol pour ne plus me relever. Incapable de bouger, je le regardai à travers mes paupières gonflées. Je n’ai plus à m’en faire pour ses conditions, me dis-je avec découragement. Je ne survivrai pas à mes blessures.
Sa silhouette menaçante apparut au-dessus de moi. Un voile rouge recouvrait mes yeux, et tout s’éteignit autour de moi.
— Et maintenant, t’en as eu assez ?
Je ne pouvais pas parler, ni acquiescer, ni penser. Pour toute réponse, je m’évanouis. C’était la seule chose dont j’étais encore capable.
J’étais allongée sur quelque chose de moelleux. Je flottais, comme si j’étais sur un nuage, et je m’emmitouflais dans une couverture cotonneuse. Je m’enfonçais encore plus au chaud lorsque le nuage me parla sur un ton irrité.
— Si tu dois prendre toute la couverture, j’aime autant que tu dormes par terre !
Hein ? Depuis quand les nuages râlaient-ils, avec un accent anglais de surcroît ?
Lorsque j’ouvris les yeux, je vis avec horreur que je me trouvais au lit avec le vampire, effectivement enroulée dans une couverture.
Je bondis comme sous l’effet d’une brûlure et me cognai immédiatement la tête contre le plafond bas.
— Aïeee...
Je frottai ma tête et regardai autour de moi, à la fois craintive et révoltée. Comment étais-je arrivée là ? Pourquoi n’étais-je pas dans le coma après la correction que j’avais reçue ? En fait, je me sentais... bien. À part la petite commotion que je venais certainement de me faire.
Je m’enfonçai dans le coin le plus reculé que je trouvai. Il ne semblait y avoir aucune sortie visible dans cette chambre de calcaire.
— Pourquoi ne suis-je pas à l’hôpital ?
— Je t’ai soignée, me répondit-il d’une voix aimable, comme si nous avions une conversation mondaine.
Paralysée par la terreur, je vérifiai mon pouls. Dieu merci, il ne m’avait pas transformée ! Mon coeur battait avec vigueur.
— Comment ?
— Avec du sang, bien sûr. Comment voulais-tu que je fasse ?
Il s’appuya sur ses coudes en me regardant avec un mélange d’impatience et de lassitude. Pour autant que je puisse en juger, il avait changé de chemise. Mais je ne voulais pas savoir ce qu’il y avait sous le drap.
— Dis-moi ce que tu m’as fait !
Roulant des yeux face à ma crise d’hystérie, il rembourra son oreiller et le serra contre lui. Le geste était si humain que c’en était troublant. Qui aurait cru que les vampires aimaient les oreillers bien moelleux ?
— Je t’ai donné quelques gouttes de mon sang. Je me suis dit qu’une petite quantité suffirait, vu que tu es hybride. En temps normal, tu dois certainement guérir vite, mais tu étais quand même assez mal en point. Note bien que c’est de ta faute. Après tout c’est toi qui as eu l’idée de cette bagarre idiote. Maintenant, si ça ne te fait rien, le soleil s’est levé et je suis épuisé. J’ai même pas pu tirer un repas de tout ça.
— Le sang de vampire a le pouvoir de guérir ?
Il ferma les yeux.
— Tu veux dire que tu ne le savais pas ? Bon Dieu, tu ne sais vraiment rien sur ta propre espèce.
— C’est ton espèce, pas la mienne.
Il ne sourcilla même pas.
— Si tu le dis, Chaton.
— Si je prenais trop de sang, est-ce que ça me transformerait ? Il en faudrait combien pour que je devienne comme toi ?
Mes questions me valurent un coup d’oeil sinistre.
— Écoute, la leçon est finie, ma belle. Je vais dormir, et toi tu vas la fermer. Tout à l’heure, quand je serai réveillé, on parlera de tous ces trucs-là pendant que je te préparerai pour notre petit arrangement. En attendant, laisse-moi me reposer.
— Montre-moi comment on sort d’ici et tu pourras dormir autant que tu voudras.
De nouveau, je cherchai en vain une sortie.
Il émit un grognement de dérision.
— Bien sûr. Je pourrais aussi aller te chercher tes armes, et ensuite fermer les yeux pendant que tu me perceras le coeur ! Tu rêves ! Tu resteras ici jusqu’à ce que je te laisse partir. N’essaie même pas de t’échapper, tu n’y arriverais pas. Maintenant, je te suggère de prendre un peu de repos, car si tu ne me laisses pas dormir très vite, je vais avoir envie d’un petit déjeuner. Pigé ?
Puis il ferma de nouveau les yeux, bien décidé cette fois à profiter de son sommeil.
— Pas question que je dorme avec toi, dis-je, indignée.
Il remua un peu sur le lit, puis me jeta un drap sur la figure.
— Dors par terre, alors. De toute façon, tu piques toutes les couvertures.
Sans autre choix, je m’allongeai sur le sol en pierre. Le drap n’était pas très efficace contre le froid, et encore moins contre la dureté du sol. Je me tournai et me retournai pour chercher sans trop d’espoir une position plus confortable, avant d’abandonner et de poser ma tête sur mes bras. Au moins ça valait mieux que d’être au lit avec cette chose. J’aurais plus volontiers dormi sur des clous. Le silence de la pièce avait un effet apaisant. Une chose était sûre, les vampires ne ronflaient pas. Au bout d’un moment, je m’endormis.
Plusieurs heures s’étaient peut-être écoulées, mais j’avais l’impression de n’avoir dormi que quelques minutes. Une main me secoua l’épaule sans douceur, et la voix tant redoutée résonna dans mes oreilles.
— Debout. On a du boulot.
Mes os craquèrent distinctement lorsque je me levai et que je m’étirai. Le bruit le fit sourire.
— Ça t’apprendra à vouloir me tuer. Le dernier qui a essayé ne s’en est pas tiré avec un vulgaire torticolis. Tu as beaucoup de chance de m’être utile, sinon tu ne serais déjà plus qu’un souvenir disparu dans mon appareil digestif.
— Miss chanceuse, c’est tout moi.
En vérité, enfermée dans une grotte avec un vampire aux penchants meurtriers, je ressentais avant tout de l’amertume.
Il agita le doigt dans ma direction.
— Ne prends pas cet air déprimé. Tu t’apprêtes à recevoir des leçons de première classe sur le monde de la nuit. Crois-moi, très peu d’humains ont cette chance. Cela dit, tu n’es pas vraiment humaine.
— Arrête de dire ça. Je suis plus humaine que... tu sais quoi.
— Bon, ça, on ne va pas tarder à le savoir. Écarte-toi du mur.
J’obéis, car je n’avais pas vraiment le choix dans cette petite pièce, et de toute façon je n’avais aucune envie d’être près de lui. Il se plaça devant le mur contre lequel j’avais dormi et saisit le bloc de pierre, une main de part et d’autre. Sans effort, il le souleva complètement et le posa sur le côté, révélant une crevasse assez grande pour laisser passer un homme. C’était donc comme ça que nous étions entrés dans cette tombe.
— Suis-moi, me jeta-t-il par-dessus son épaule alors qu’il pénétrait dans la crevasse. Et ne traîne pas.
Alors que je me faufilai dans l’ouverture étroite, ma vessie me rappela soudain que j’étais encore très dépendante de mes organes.
— Euh... j’imagine qu’il n’y a pas... (Au diable les raffinements !) Est-ce qu’il y a des toilettes ? En ce qui me concerne, j’ai encore des reins en état de marche.
Il s’arrêta net et me regarda en haussant un sourcil. De minces rayons de lumière sortaient du plafond calcaire, illuminant la caverne de motifs croisés. Il faisait donc jour.
— Tu te crois à l’hôtel ? Et ensuite, qu’est-ce qui ferait plaisir à Madame, un bidet ?
Malgré ma gêne, je lui répondis, exaspérée.
— À moins que tu aies des tendances scatologiques, je te suggère de me trouver un endroit, et vite.
Il laissa échapper comme un soupir.
— Suis-moi. Ne glisse pas et ne te tords pas la cheville, j’ai aucune envie de te porter. Voyons ce qu’on peut faire pour toi. Bonne femme de malheur.
Je le suivis tant bien que mal et je me consolai en l’imaginant se tordre de douleur sous mon pieu. L’image était si nette qu’elle me fit presque sourire. Nous approchions d’une rivière.
— Là. (Il me montra du doigt une pile de pierres qui semblaient suspendues au-dessus d’un cours d’eau.) Ce sera emporté par le courant. T’as qu’à monter sur les pierres pour faire ton affaire.
Je me dépêchai de monter et il me dit d’une voix sèche :
— Au fait, si tu pensais sauter et t’échapper à la nage, oublie. L’eau est glaciale, et le courant serpente sur trois kilomètres avant de sortir des grottes. Tu serais prise d’hypothermie bien avant. Ce ne serait pas une situation très agréable, tu te retrouverais tremblante et perdue dans le noir, en proie à des hallucinations. De plus, cela signifierait que tu aurais violé notre accord. Je te retrouverais, et je serais vraiment, vraiment mécontent.
Le ton menaçant de sa voix rendait les mots encore plus dangereux que le bruit d’un fusil qu’on arme. Le désespoir m’envahit. Je pouvais dire adieu à mon plan d’évasion.
— À tout de suite.
Il me tourna le dos et s’éloigna un peu. En poussant un soupir, j’escaladai les rochers et me tins en équilibre tandis que je répondais à l’appel inopportun de la nature.
— J’imagine que le papier toilette n’est pas fourni ? demandai-je avec désinvolture.
Il répondit en éclatant de rire.
— Je l’ajouterai à ma liste de courses, Chaton.
— Arrête de m’appeler Chaton. Je m’appelle Cat. (Je redescendis jusqu’à ce que je sente sous mes pieds un terrain plus ou moins stable.) Et toi, au fait ? Tu ne m’as toujours pas dit ton nom. Si on doit... travailler ensemble, il faudrait au moins que je sache comment t’appeler. À moins que tu préfères les insultes, bien sûr.
Il se tint face à moi en souriant de nouveau d’un air narquois. Ses pieds étaient écartés et ses hanches penchées légèrement en avant. Ses cheveux pâles et ondulés enserraient sa tête. Sa peau brillait sous l’effet des minuscules rais de lumière qui tombaient du plafond.
— Je m’appelle Bones.
— Commençons par le commencement, ma belle. Si tu veux vraiment réussir à tuer des vampires, tu dois en apprendre plus sur eux.
Nous étions assis l’un en face de l’autre sur des rochers. La lumière pâle des rayons du soleil avait un effet légèrement stroboscopique. C’était de loin le moment le plus étrange de ma vie : j’étais assise en face d’un vampire et je discutais calmement avec lui des meilleurs moyens de tuer ses congénères.
— La lumière du jour est inoffensive. Au pire, on risque d’attraper des coups de soleil. Notre peau ne prend pas feu comme dans les films, et nous ne nous transformons pas en poulet grillé. Néanmoins, c’est vrai que nous avons tendance à dormir le jour parce que c’est de nuit que nous sommes le plus puissants. Pendant la journée, nous sommes plus lents, plus faibles et moins alertes. Surtout à l’aube. Lorsque l’aube arrive, la plupart des vampires sont bien au chaud dans ce qui leur sert de lit. Comme tu as pu le constater hier soir, il ne s’agit pas forcément d’un cercueil. C’est vrai que les plus traditionalistes se conforment à cette règle, mais la plupart d’entre nous dorment dans ce qui est le plus confortable pour eux. D’ailleurs, il y a des vampires qui placent un cercueil dans leur antre pour tromper les Van Helsing en herbe et les prendre par surprise. C’est un truc que j’ai utilisé une ou deux fois moi-même. Donc si tu pensais juste ouvrir les rideaux en te disant que le soleil ferait tout le boulot, laisse tomber.
» Passons aux croix. À moins qu’elles soient aussi pointues que la tienne, les croix ne servent qu’à nous faire rire avant de dévorer nos proies. Vu que tu as l’air au courant, on va passer à la suite. Le bois, comme tu le sais également, ne nous causera au pire que des égratignures mais ne nous empêchera pas d’égorger nos victimes. Quant à l’eau bénite... disons simplement qu’une poignée de terre jetée en plein visage nous ferait plus de mal. Tout ce qui touche à la religion est totalement inefficace lorsqu’il s’agit de nous blesser, tu piges ? Ton seul avantage, c’est qu’en voyant ton pieu amélioré, un vampire n’aura aucun soupçon.
— Tu n’as pas peur que je me serve de ces informations contre toi ? l’interrompis-je. Je veux dire, pourquoi tu me ferais confiance ?
L’air très sérieux, il se pencha en avant. Je reculai car je me trouvais déjà assez près de lui comme ça.
— Écoute, mon chou. Toi et moi, on va devoir se faire confiance si on veut atteindre nos objectifs. Je vais être parfaitement clair : si tu fais seulement mine de me regarder de travers ou que j’ai le moindre soupçon concernant ta loyauté, je te tue. Comme tu es une grande fille courageuse, ça ne te fait peut-être pas peur, mais souviens-toi d’une chose : l’autre nuit, je t’ai suivie jusque chez toi. Y a des gens auxquels tu tiens dans cette grange qui te sert de maison, non ? Alors je te suggère de filer doux avec moi et de faire ce que je te dis. Si tu me contraries, tu vivras assez longtemps pour voir ta maison réduite en cendres, avec tous ses occupants. Donc si tu veux tenter ta chance avec moi, tu ferais mieux d’être bien sûre de pouvoir m’achever, compris ?
La gorge serrée, j’acquiesçai. J’avais compris. Oh oui, pas de doute là-dessus.
— De plus (sa voix se fit douce comme un jour de printemps), je peux te donner ce que tu veux.
J’en doutais.
— Je me demande bien comment tu pourrais savoir ce que je veux.
— Tu veux ce que désire tout enfant abandonné. Tu veux retrouver ton père. Mais ce ne sont pas des retrouvailles heureuses que tu as en tête, non, pas toi. Ce que tu veux, c’est le tuer.
Je le regardai. Il avait dit à voix haute ce que mon subconscient n’avait même jamais osé murmurer, et il avait vu juste. C’était l’autre raison pour laquelle je chassais les vampires : retrouver et tuer celui qui m’avait engendrée. Plus que tout, je voulais le faire pour ma mère. Si j’y parvenais, j’aurais l’impression d’avoir un peu expié les circonstances de ma naissance.
— Tu... (Toutes les pensées qui s’entrechoquaient dans ma tête m’empêchaient presque de parler.) Tu peux m’aider à le trouver ? Comment ?
Il haussa les épaules.
— Pour commencer, il se pourrait que je le connaisse. Je connais pas mal de morts-vivants. Admets-le : sans moi, tu cherches une aiguille dans une meule de crocs. Et même si je ne le connais pas personnellement, j’en sais déjà plus que toi sur lui.
— Quoi ? Comment ça ?
Il leva la main pour me faire taire.
— Son âge, par exemple. Tu as vingt et un ans, c’est ça ?
— Vingt-deux, murmurai-je, toujours sous le choc. Depuis le mois dernier.
— Vraiment ? Alors il n’y a pas que l’adresse qui est bidon sur ton faux permis de conduire.
Il avait dû fouiller dans mon sac à main. Logique, après tout, vu qu’il m’avait aussi déshabillée lorsque j’étais inconsciente.
— Comment peux-tu savoir que c’est un faux ?
— Je viens de te le dire, non ? Je connais ta véritable adresse et elle ne correspond pas à celle du permis de conduire.
Et merde. Ça réduisait à néant l’intérêt de la fausse identité, censée me servir au cas où j’aurais perdu contre un vampire et qu’il fouille dans mes affaires. Je ne voulais pas qu’un de ces monstres puisse remonter jusqu’à ma famille. Enfin, c’était l’idée de départ. Bête comme je l’étais, je n’avais pas prévu qu’un vampire me suivrait jusque chez moi.
— Quand on y pense, mon chou, tu mens comme tu respires, tu te promènes avec de faux papiers et tu es une meurtrière.
— Où veux-tu en venir ? dis-je d’un ton brusque.
— Sans oublier que tu es aussi une allumeuse, poursuivit-il comme si je n’avais rien dit. Et malpolie, en plus. Ouais, toi et moi, on est faits l’un pour l’autre.
— Foutaise, dis-je en guise de réponse.
Il me sourit encore.
— L’imitation est la forme de flatterie la plus sincère. Mais revenons à nos moutons. Tu m’as dit que ta mère t’avait portée pendant... quoi, quatre mois ? Cinq ?
— Cinq. Pourquoi ?
Je voulais vraiment comprendre son raisonnement. Qu’est-ce que cela avait à voir avec l’âge de mon père, ou le fait qu’il était un mort-vivant ?
Il se pencha en avant.
— Je vais t’expliquer. Lorsqu’un humain est transformé en vampire, il faut quelques jours pour que certaines fonctions humaines cessent complètement de fonctionner. Le coeur, lui, s’arrête tout de suite, et la respiration aussi, mais d’autres trucs mettent plus longtemps. Les conduits lacrymaux fonctionnent normalement pendant à peu près un jour avant que les larmes deviennent roses à cause du taux de sang présent dans l’eau du corps. On peut même pisser une ou deux fois pour purger le système. Mais le point important, c’est que ton père avait encore des munitions dans ses réservoirs.
— Pardon ?
— Tu sais bien, ma belle. Du sperme, si tu préfères le terme technique. Ses bourses contenaient encore des spermatozoïdes vivants. Et ça, ça veut dire que sa transformation était très récente. Elle devait remonter à une semaine au maximum. Ce qui nous permet de déterminer exactement son âge en tant que vampire. Si tu ajoutes à ça les décès survenus autour de la date et du lieu de ta conception, parmi lesquels l’un concerne forcément un type correspondant à la description de ton géniteur, bingo ! Tu as ton père.
J’étais époustouflée. Il avait tenu parole ; en quelques secondes, il m’avait donné plus d’informations que ma mère au cours de toute sa vie. J’étais peut-être tombée sur une mine d’or. Si, grâce à lui, je pouvais en apprendre plus sur mon père tout en continuant à tuer des vampires, et que tout ce qu’il demandait en échange, c’était de choisir les cibles... eh bien, dans ce cas, je pourrais endurer notre association. Si je survivais assez longtemps, bien sûr.
— Pourquoi tu m’aiderais à trouver mon père ? D’ailleurs, pourquoi est-ce que tu tues d’autres vampires ? Il s’agit de ta propre espèce, après tout.
Bones me regarda quelques instants avant de répondre.
— Je t’aiderai à trouver ton père parce que je pense que tu le détestes plus que tu ne me détestes, ce qui devrait suffisamment te motiver pour m’obéir. Quant à la raison pour laquelle je chasse des vampires... tu n’as pas à t’en soucier pour l’instant. Tu as déjà assez de grain à moudre comme ça. Disons juste que certaines personnes méritent la mort, et cela vaut pour les vampires comme pour les humains.
Je ne savais toujours pas pourquoi il voulait que je travaille avec lui. Après tout, ce n’était peut-être qu’un mensonge. Peut-être attendait-il son heure pour me trancher la gorge quand je m’y attendrais le moins. Je n’avais pas confiance en cette créature, pas le moins du monde, mais, pour l’instant je n’avais pas d’autre choix que de jouer le jeu. Je serais vraiment très surprise d’être encore vivante dans une semaine.
— Revenons au sujet qui nous intéresse, ma belle. En règle générale, les armes à feu n’ont pas non plus d’effet sur nous. Il y a toutefois deux exceptions. Un, si le type a un coup de chance et qu’il réussit à nous trancher la tête en tirant, ce sera lui le vainqueur : la décapitation est en effet un moyen efficace de nous supprimer. Rien ou presque ne peut survivre sans tête, et c’est le seul membre d’un vampire qui ne repousse pas si on le coupe. Deux, si l’arme tire des balles en argent et que celles-ci nous touchent au coeur en assez grand nombre, on peut aussi mourir. Mais c’est plus difficile que ça en a l’air. Aucun vampire ne prendra la pose pour servir de cible. Le plus probable, c’est qu’il aura déjà enfoncé le fusil dans le cul de son assaillant avant que celui-ci puisse faire de vrais dégâts. Mais les balles en argent font mal, et tu peux donc t’en servir pour ralentir le vampire avant de le finir avec le pieu. Il vaut mieux être rapide avec cette méthode, car c’est un vampire très remonté que tu auras sur les bras. La strangulation, la noyade, rien de tout cela ne marche. Nous ne respirons qu’une fois toutes les heures environ, et nous pouvons tenir indéfiniment sans oxygène. Il nous suffit d’une inspiration de temps en temps pour renouveler l’oxygène du sang et on est de nouveau en pleine forme. Si tu vois un vampire prendre une inspiration à intervalles réguliers de quelques minutes, c’est qu’il est en hyperventilation. C’est l’un des moyens de savoir qu’un vampire se fatigue. Il se met à respirer de cette façon pour se retaper. L’électrocution, les gaz empoisonnés, l’empoisonnement par ingestion, les drogues... aucune de ces méthodes ne marche. Pigé ? Maintenant tu connais nos faiblesses.
— Tu ne veux pas qu’on mette certaines de ces théories à l’épreuve ?
Il secoua son doigt d’un air réprobateur.
— Allons, pas de ça. Nous sommes associés, tu te rappelles ? Tâche de ne pas l’oublier, car dis-toi bien que toutes les choses que je viens d’évoquer seraient tout aussi efficaces contre toi.
— Je plaisantais, mentis-je.
Il me jeta un regard qui signifiait clairement qu’il n’était pas dupe.
— En conclusion, nous sommes très durs à battre. Comment une gamine comme toi a réussi à transformer seize d’entre nous en nourriture pour vers de terre, ça me dépasse, mais il y a des imbéciles à tous les coins de rue.
— Hé ! (J’étais vexée, aussi je défendis mon palmarès.) Je t’aurais coupé en petits morceaux si tu ne m’avais pas forcée à conduire et si tu ne m’avais pas prise en traître en me frappant quand je ne regardais pas.
Il rit de nouveau, et je m’aperçus soudain qu’il avait un très beau visage. Je détournai les yeux car je ne voulais voir en lui rien d’autre qu’un monstre. Un monstre dangereux.
— Dis-moi, Chaton, à ton avis, pourquoi t’ai-je fait conduire ? Je t’avais cernée cinq secondes après le début de notre conversation. Tu étais une débutante, complètement novice, et, une fois déstabilisée, tu étais absolument impuissante. Bien sûr que je t’ai prise en traître. Il n’y a qu’une seule manière de se battre : ne respecter aucune règle. Se battre en gentleman, c’est la mort assurée. Profite de toutes les occasions pour porter des coups bas, frappe toujours les gens quand ils sont à terre, et peut-être alors auras-tu une chance de gagner. N’oublie jamais ça. C’est un combat à mort, pas un match de boxe. Tu ne gagnes pas en marquant le plus de points.
— J’ai compris.
Cela ne me plaisait pas beaucoup, mais il avait raison. Chaque fois que j’étais face à un vampire, c’était un combat à mort. Y compris cette fois.
— Mais on s’éloigne du sujet. Je t’ai exposé nos faiblesses. Passons à nos forces, qui sont nombreuses. Vitesse, vision, audition, sens olfactif, force physique... nos sens et nos aptitudes physiques sont en tous points supérieurs à ceux des humains. Nous pouvons sentir un humain bien avant de le voir, et nous pouvons entendre les battements de son coeur à un kilomètre. En plus de tout cela, nous avons une forme de contrôle mental sur eux. Un vampire peut boire un demi-litre de sang humain, et quelques secondes plus tard sa victime ne se rappellera même pas l’avoir vu. Cela vient de nos canines : une minuscule goutte d’hallucinogène qui, combinée à notre pouvoir, rend nos proies sensibles à notre force de suggestion. Par exemple, la victime ne se souviendra pas qu’elle vient de se faire sucer le sang ; elle croira juste qu’elle a rencontré un type, qu’ensemble ils ont discuté et que maintenant elle a sommeil. C’est comme ça que la plupart d’entre nous se nourrissent. Quelques gouttes par-ci, quelques gouttes par-là, et personne ne s’aperçoit de rien. Si chaque vampire tuait pour se nourrir, ça ferait des siècles qu’on serait sortis de l’anonymat.
— Tu peux contrôler mon esprit ?
Cette pensée m’horrifiait.
Ses yeux marron tournèrent soudain au vert et son regard transperça le mien.
— Viens à moi.
Sa voix n’était qu’un murmure, mais pourtant ses mots semblaient résonner dans ma tête.
— Va te faire foutre, dis-je, glacée par le besoin soudain que je ressentais de lui obéir.
D’un seul coup, ses yeux reprirent leur teinte marron et il m’adressa un sourire approbateur.
— Loupé, on dirait. Tant mieux, ça sera utile. Ce serait gênant que tu perdes la tête et que tu oublies nos objectifs, non ? Ça doit certainement tenir à ton sang. Ça ne marche pas sur les vampires, ni sur les humains qui absorbent du sang de vampire. Tu dois avoir assez de vampire en toi. Certains humains sont aussi immunisés, mais leur pourcentage est très faible. Il faut avoir une capacité de contrôle sur son esprit hors du commun ou une résistance naturelle extraordinaire pour ne pas céder. MTV et les jeux vidéo en sont venus à bout chez la grande majorité des humains. Ça et le poste, en fait.
— Le poste ? Quel poste ?
Il poussa un grognement amusé.
— La télévision, bien sûr. Tu ne parles pas français ?
— Si, justement, murmurai-je.
Secouant la tête, il me regarda en fronçant les sourcils.
— L’heure tourne, ma belle. On a beaucoup de choses à aborder. On a parlé des sens et du contrôle de l’esprit, mais n’oublie pas notre force. Ni nos dents. Un vampire est capable de briser n’importe qui en deux et de soulever les morceaux avec un seul doigt. Nous pouvons même projeter une voiture en l’air si ça nous amuse. Et nous pouvons déchirer la chair de nos victimes avec nos dents. Ce qu’il nous faut découvrir, c’est si tu détiens de tels dons et dans quelle mesure.
D’un ton hésitant, je commençai à faire la liste de mes anomalies.
— J’ai une très bonne vue et l’obscurité ne me gêne pas. Je vois aussi bien de nuit que de jour. Je suis plus rapide que tous les gens que je connais, enfin, pour ce qui est des humains. Je peux entendre des bruits de très loin, mais peut-être pas d’aussi loin que toi. Parfois, la nuit dans ma chambre, j’entendais mes grands-parents au rez-de-chaussée qui murmuraient des choses sur moi...
Je me tus, jugeant à son air que j’avais révélé trop de choses personnelles.
— Je ne pense pas pouvoir contrôler l’esprit de quiconque. Je n’ai jamais essayé, mais je crois que si je le pouvais les gens me traiteraient différemment.
Zut, voilà que je recommençais à faire étalage de ma vie.
— Bref, continuai-je, je sais que je suis plus forte que la moyenne des gens. À quatorze ans, j’ai battu trois garçons, tous plus grands que moi. C’est là que j’ai dû admettre que quelque chose clochait chez moi. Tu as vu mes yeux, ils sont différents. Quand je suis sous le coup d’une émotion, il faut que je les contrôle pour éviter que les gens les voient devenir verts. Mes dents sont normales, je suppose. En tout cas, elles ne se sont jamais mises à pointer.
Je le regardai à travers mes cils. Je n’avais jamais parlé ainsi de mes différences à personne, pas même à ma mère. Elle était déjà assez ennuyée de les connaître, alors en parler...
— Quelque chose me chiffonne. Tu dis que c’est à quatorze ans que tu as vraiment compris que tu étais différente. Avant cela, tu ne savais pas ce que tu étais ? Qu’est-ce que ta mère t’a raconté sur ton père quand tu étais petite ?
C’était un sujet douloureux et l’évocation de ce souvenir me fit frissonner. Je n’aurais jamais cru que je parlerais de tout cela à un vampire.
— Elle ne parlait jamais de mon père. Quand, petite, je lui posais des questions sur lui, elle changeait de sujet ou se fâchait. Mais les autres enfants se sont chargés de me donner des réponses. Ils m’ont traitée de bâtarde dès qu’ils ont su parler. (Je fermai brièvement les yeux, la honte toujours aussi vivace.) Comme je le disais, à la puberté, j’ai commencé à me sentir... encore plus différente. C’était bien pire que lorsque j’étais enfant. J’avais plus de mal à cacher mes bizarreries comme me le demandait ma mère. J’avais une prédilection pour la nuit. Je me promenais dans le verger pendant des heures. Parfois, je ne m’endormais pas avant l’aube. Mais ce n’est que lorsque ces garçons m’ont coincée que j’ai compris à quel point j’étais différente.
— Qu’est-ce qu’ils t’ont fait ?
Sa voix était plus douce, presque tendre.
Je revoyais leurs visages aussi nettement que s’ils étaient devant moi.
— Ils m’ennuyaient. Ils me poussaient et ils m’insultaient, comme d’habitude. Ça ne m’a pas fait réagir, ça m’arrivait presque tous les jours. Mais l’un d’entre eux, je ne me rappelle plus lequel, a traité ma mère de salope et j’ai perdu mon calme. Je lui ai jeté une pierre au visage et il s’est retrouvé avec plusieurs dents cassées. Les autres m’ont sauté dessus et je leur ai mis une raclée. Ils n’en ont jamais parlé à personne. Finalement, le jour de mon seizième anniversaire, ma mère a décidé que j’étais assez grande pour connaître la vérité sur mon père. Je ne voulais pas la croire, mais, au fond de moi, je savais que c’était vrai. Cette nuit-là, pour la première fois, j’ai vu mes yeux briller. Elle a mis un miroir devant mon visage après m’avoir frappée à la jambe. Ce n’était pas par méchanceté. Elle voulait que je m’énerve pour que je puisse voir mes yeux. Environ six mois plus tard, je tuais mon premier vampire.
Je m’efforçais de retenir mes larmes. Mes yeux me piquaient, mais je refusais de pleurer. Il était hors de question que je pleure devant cette chose qui m’avait fait répéter ce que j’essayais d’oublier.
Il me regarda d’un air très étrange. Si je n’avais pas su ce qu’il était, j’aurais pu croire qu’il y avait de l’empathie dans son regard. Mais c’était impossible. C’était un vampire, et les vampires ne connaissent pas la compassion.
Je me levai brusquement.
— En parlant de ma mère, il faut que je l’appelle. Elle doit être morte d’inquiétude. Je suis déjà rentrée très tard, mais je ne me suis jamais absentée aussi longtemps. Elle va croire qu’un suceur de sang de ton espèce m’a trucidée.
Il haussa les sourcils, visiblement très surpris.
— Ta mère sait que tu allumes les vampires pour les tuer ? Et elle te laisse faire ? Bon Dieu, dire que je pensais que tu plaisantais quand tu m’as dit qu’elle était au courant de tes efforts pour faire diminuer notre population. Si tu étais ma fille, je t’enfermerais dans ta chambre la nuit. Je ne comprends pas les gens d’aujourd’hui, ils laissent vraiment leurs enfants faire n’importe quoi.
— Ne parle pas d’elle comme ça ! m’écriai-je. Elle sait que ce que je fais est bien ! Pourquoi est-ce qu’elle serait contre ?
Il me considéra longuement de ses yeux marron, sombres et transparents. Puis il haussa les épaules.
— Si tu le dis.
Soudain, il se matérialisa devant moi. Il était si rapide que je n’eus même pas le temps de cligner des yeux.
— Tu vises bien. Je m’en suis rendu compte la nuit dernière quand tu m’as balancé ta croix. Imagine, quelques centimètres plus bas et tu aurais pu m’utiliser comme fertilisant pour plates-bandes. (Il sourit, comme amusé par cette image.) On va travailler ta vitesse et ta précision. Ce sera moins dangereux pour toi si tu peux tuer à distance. Au corps à corps, tu es trop vulnérable.
Il me saisit par les bras. J’essayai de me dégager, mais il me tenait fermement. J’avais l’impression d’être enserrée par des barres de fer.
— Ta force laisse franchement à désirer. Tu es plus forte qu’un homme, mais guère plus que le plus faible des vampires. Ça aussi, il faudra qu’on le travaille. En plus, tu es raide comme un piquet et tu ne te sers pas du tout de tes jambes quand tu te bats. Ce sont des armes précieuses et tu dois les utiliser comme telles. Quant à ta vitesse, eh bien... il n’y a peut-être rien à faire de ce côté-là, mais on essaiera quand même. Comme je vois les choses, il va nous falloir environ six semaines avant de pouvoir t’envoyer sur le terrain. Ouais, cinq semaines d’entraînement acharné et une semaine pour travailler ton look.
— Mon look ? (J’étais outragée. Comment un mort osait-il me critiquer ?) Qu’est-ce qu’il a, mon look ?
Bones sourit d’un air condescendant.
— Oh, rien de vraiment atroce, mais il faudra quand même t’arranger un peu avant de pouvoir te lâcher dans la nature.
— Tu...
— Après tout, on va viser de gros poissons, ma belle. Des jeans baggy et une allure un peu négligée ne feront pas l’affaire. Si tu crois être sexy, t’y connais que dalle.
— Nom de Dieu, je vais te...
— Arrête ton blabla. Tu voulais pas appeler ta mère ? Suis-moi. Mon portable est par là.
Tout en l’imaginant en train de se tordre de douleur sous les tortures que je lui ferais subir, je retins ma langue et le suivis alors qu’il s’enfonçait dans les profondeurs de la grotte.